Convaincu que le cinéma pouvait “tout faire”, Jean-Luc Godard, disparu en 2022, incarne à lui seul cet art multiple. Ce portrait documentaire juste et émouvant s’attache à débusquer l’homme derrière la légende qu'il a en partie forgée.
Au fil d’un parcours tout en ruptures, émaillé de révolutions esthétiques et d’utopies artistico-politiques, mais aussi d’amitiés, d’amours tumultueuses et de solitude mélancolique, le cinéaste franco-suisse, disparu en 2022, n’a cessé d’exprimer son amour absolu pour le septième art. En témoignent sa série Histoire(s) du cinéma, œuvre-somme élaborée sur dix années (1988-1998). Mis au ban de sa famille bourgeoise, l’ex-jeune critique des Cahiers du cinéma, adoubé par Henri Langlois, devient une figure de la Nouvelle Vague dès 1960 et la sortie d’À bout de souffle, premier film sidérant d’audace et de liberté. Il enchaîne à un rythme effréné des chefs-d’œuvre novateurs, en prise directe avec leur époque : Une femme mariée, Deux ou trois choses que je sais d’elle, mais aussi Vivre sa vie : film en douze tableaux ou Pierrot le fou, illuminés par Anna Karina, muse avec laquelle il vit un amour tourmenté. Sans oublier Le mépris, avec Bardot et Piccoli, et l’explosif Week-end, annonçant Mai 68. Viendra ensuite le temps des luttes politiques aux côtés de sa seconde épouse, Anne Wiazemsky, la studieuse révolutionnaire de La chinoise, et de Jean-Pierre Gorin, avec lequel il fonde le groupe Dziga Vertov, expérience collective de cinéma militant qui s’achève en 1972. Après un grave accident de moto en 1971, Godard s’exile d’abord à Grenoble, puis en Suisse, à Rolle, se tournant vers la vidéo avant de renaître en “peintre du cinéma” durant une faste et médiatique décennie 1980 inaugurée par Sauve qui peut (la vie). Aux côtés de la cinéaste Anne-Marie Miéville, sa compagne depuis 1971, Godard a trouvé l’âme-sœur. Depuis les bords du lac Léman, ce maître de l’art du collage et de la citation délivre ses films-essais, jusqu’à son ultime opus en 2018, Le Livre d’image, Palme d’or spéciale à Cannes, qui sonne comme un adieu.
Humain, trop humain
Qui était Jean-Luc Godard ? Quel individu se cache derrière la légende à laquelle il a lui-même contribué, celle du cinéaste de génie, du créateur insolent de formes nouvelles, du provocateur aux propos sibyllins, du militant maoïste ou de l’ermite érudit fondu de technologie ? C’est à l’homme que s’intéresse le réalisateur Cyril Leuthy, embrassant la carrière et la vie du cinéaste dans son documentaire découpé en quatre chapitres, stylisés chacun selon une période différente du maître. Nourri des témoignages éclairants de ses actrices (Nathalie Baye, Marina Vlady, Macha Méril), de critiques et biographes (Alain Bergala, Thierry Jousse, Antoine de Baecque…) et des compagnons de route (Romain Goupil, Daniel Cohn-Bendit), riche d’archives parfois rares (Godard en 1950 dans Le quadrille, premier film méconnu de Jacques Rivette) ou d’écrits d’Anne Wiazemsky lus à l’écran par Céleste Brunnquell, le film dessine le portrait d’un homme aux mille facettes, qui était – et voulait – tout et son contraire. Sans occulter le Godard désagréable, le film révèle surtout son humanité, ses failles et sa part d’enfance, ludique et rieuse.
Documentaire de Cyril Leuthy (France, 2022, 1h41mn)
Disponible jusqu'au 02/12/2023
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Godard, seul le cinéma | ARTE Cinema
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