Fatima: Mourir à 14 ans | ARTE

En 2013, à Agadir, une jeune domestique succombait aux sévices infligés en toute impunité par ses employeurs. Enquête sur un fait divers glaçant qui a mis en lumière un Maroc à deux vitesses.

C'est un village berbère de l'Atlas, beau et misérable, où la sècheresse fait de plus en plus de ravages. "On doit tout le temps choisir entre nourrir les bêtes et donner à manger aux enfants", explique Zaina. Sa fille, Fatima, y a grandi jusqu'à ses 11 ans, au milieu de dix frères et soeurs. Puis, cette écolière joyeuse et serviable, parfois critique aussi - elle reprochait à sa mère de faire trop d'enfants -, a dû partir travailler comme employée de maison à Agadir, à environ 180 kilomètres de là. Un lot commun pour les filles du village, contraintes d'arrêter l'école tôt sans autre solution pour subvenir aux besoins de leur famille. "Louée" pour 30 euros par mois à un gendarme et sa femme, avec la complicité du président du conseil communal du village, Fatima donnait peu de nouvelles, hormis de brefs appels téléphoniques, probablement surveillés, où elle assurait que tout allait bien. Trois ans plus tard, en 2013, ses parents ont appris la mort de leur fille et découvert avec horreur son corps couvert de cicatrices et de brûlures. Depuis, l'employeuse de Fatima est en prison. Mais des questions restent en suspens. Pourquoi l'adolescente a-t-elle subi de tels sévices ? Quel a été le rôle du mari, qui prétend ne rien savoir, et n'a pas été inquiété ? Pourquoi la justice n'a-t-elle demandé qu'un examen sommaire du corps de la jeune fille ?

Esclavage moderne

Remontant le fil d'un poignant fait divers, qui a mis le Maroc en émoi au point de faire évoluer la loi sur les employées de maison en 2018, ce documentaire s'appuie sur un travail d'enquête, mené aux côtés de lanceurs d'alerte : la médecin, qui, après avoir examiné l'adolescente aux urgences, a tiré la sonnette d'alarme, et deux avocats militants des droits de l'homme. Sans leur intervention, le meurtre de Fatima aurait pu être passé sous silence, comme beaucoup d'autres. Le film nous immerge aussi au sein d'une famille éprouvée mais déterminée à découvrir la vérité, dans un village ébranlé où les femmes ont réagi en créant une coopérative, afin d'offrir un avenir à leurs filles sur place. L'oeil de cinéaste de Hakim El Hachoumi fait le reste : dosant l'émotion, il porte un regard tendre et respectueux sur les personnes interrogées. Ses plans d'une grande beauté, qui témoignent des inégalités de classe et de genre dans le royaume, savent saisir la mélancolie d'une petite soeur ou l'esclavage niché dans un immeuble cossu.

Documentaire de Hakim El Hachoumi et Andrei Schwartz (Allemagne, 2019, 53mn)

Disponible jusqu'au 25/08/2023
#ARTE #maroc #esclavage

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