Début juillet en Algérie, elles n'étaient que quelques unes à se réunir sur le bord de la plage vêtues d'un bikini. Aujourd'hui, ce sont près de 3600 algériennes qui apportent leur soutien à l'opération "maillot de bain" lancée par Sara, une Algérienne de 27 ans. Celle-ci détaille son initiative auprès d'un journal algérien.
[embed]https://twitter.com/Morgan2Me/status/885126760353976320[/embed]
Depuis quelques semaines, un vent de liberté souffle en Algérie. Il est provoqué par des centaines de femmes de la ville côtière d'Annaba qui revendiquent le droit se vêtir d'un simple maillot de bain sur la plage. Un moyen pour elles de lutter, groupées, contre le harcèlement et la pression religieuse qui prend de l'ampleur par le biais d'internet. Plusieurs sorties ont déjà été réalisées depuis le 5 juillet dernier, date de la fête nationale.
Tout est parti d'une initiative lancée par "Sara", la fondatrice du groupe féministe à l'origine de l'opération maillot de bain, dans la ville d'Annaba. Elle a accordé une seule et unique interview à Lilia Mechakra, journaliste au "Provincial" en Algérie. Cela a commencé lorsque fin juin, au lendemain de l'Aïd – fête célébrant la fin du Ramadan –, elle se rend à la plage en famille. Elle est la seule femme et n'ose pas se dévêtir afin d'éviter toute agression verbale ou physique. Car si le bikini est autorisé dans le pays, il est souvent critiqué car perçu comme "trop provoquant". De retour à son domicile, elle crée alors un groupe secret sur Facebook où des membres de sa famille sont invités à se rassembler en maillot, à la plage. Progressivement, d'autres habitantes d'Annaba intègrent le groupe. Elles sont aujourd'hui plus de 3600.
[embed]https://twitter.com/Gutenberg_P15/status/888066291608817664[/embed]
Au cours de cet entretien, Sara assène : "Nager en habit de plage à la plage ne devrait pas être un exploit et encore moins choquer". "Le but n’est pas de faire du bruit et encore moins de faire le buzz, mais de changer la société profondément et en douceur. Ceci ne pourra se faire qu’en habituant des milliers de voyeurs à ce qu’ils considèrent encore comme étant interdit. Nous ne voulons pas changer leur vision des choses, mais simplement leur inculquer la tolérance et l’acceptation de l’autre."
Rim, une jeune biochimiste de 25 ans, elle aussi membre de l'opération maillot de bain, renchérit : "On a le droit de mettre ce qu'on veut, d'aller où on veut, quand on veut. Nous ne sommes pas bonnes qu'à rester à la maison, notre avis ne compte pas pour du beurre."
Movingta
En dépit de leur appel à la tolérance, l'initiative choque de nombreux algériens. Le groupe de femmes se voient confronté à des messages insultants et à des rappels à l'ordre moral tels que "Où sont vos pères ?" "Allez vous rhabiller" et autres commentaires plus injurieux. Une campagne a même été lancée pour contrecarrer l'opération maillot de bain, avec le hashtag : "Je me baigne avec mon hijab, je laisse la nudité aux animaux."
Derrière leurs écrans, des hommes se sont mis à encourager des milliers d'utilisateurs à prendre en photo toute femme aperçue en maillot de bain. Une tenue qu'ils jugent "représentative de l'Occident" et contraire aux normes islamiques. Plusieurs clichés de femmes ont ainsi été pris à l'insu de ces dernières et postés sur les réseaux sociaux.
"Ces hommes frustrés ne nous interdiront pas d'aller à la plage", clame Rym.
A travers ces tensions s'élevant sur les réseaux sociaux, ce sont deux Algéries qui s'opposent : l'une pro-occidentale et progressiste, l'autre plus conservatrice. Soit trop libres soit trop enchainées, les femmes devront choisir leur camp.