Quoi de plus frustrant que de devenir accro à une très bonne série pour s'apercevoir qu'elle s'arrête dès que l'intrigue commence vraiment à se développer ? Alors que la plateforme semble produire des programmes originaux en continu, elle les arrête les uns après les autres. Sans leur permettre d'aller plus loin que la deuxième saison. Quand ils ont la chance d'être renouvelés une première fois. Vous êtes-vous remis de l'inachèvement de The OA ? Pas du tout. Rien que pour l'année 2020, Netflix a annulé 18 séries originales, dont Altered Carbon. Quatorze d'entre elles n'ont eu qu'une seule saison. Le scénario semble se répéter encore et encore : Le géant américain fait une grande promotion pour présenter son nouveau show, le laisse vivre une ou deux saisons, puis l'arrête parce qu'il n'a pas obtenu les résultats escomptés. Des séries comme Cursed, Dark Crystal Temps de résistance ou The Society n'ont eu qu'une seule saison. Pour rappel, cette dernière avait été renouvelée pour une deuxième saison, mais a finalement été annulée peu avant le début du tournage en raison de la crise sanitaire. Au vu des réactions sur les réseaux sociaux, nous ne sommes pas les seuls à nous demander ce qui est arrivé à ces adolescents.
Voilà l'énigme : de nombreuses séries annulées semblent avoir trouvé leur public. On se souvient que pour Sense8, les fans ont tellement protesté contre l'annulation que nous avons obtenu un film pour clore l'histoire. Un compromis qui ne compensait pas les cinq saisons initialement prévues, mais qui nous permettait de connaître une fin et de faire nos adieux aux personnages. Surtout, nous avons appris ce qui était arrivé à Wolfgang. Après l'annonce de l'annulation de The OA, des manifestants ont tenté de réitérer l'exploit en campant devant les locaux de Netflix. Malheureusement, cette fois-ci, l'entreprise n'a pas cédé.
La plateforme américaine semble ne vouloir garder que les séries qui ont un taux d'audience élevé dès le début, comme Stranger Things. Or, toutes les séries ne sont pas des Stranger Things. Si l'on prend comme exemple les séries qui ont le plus marqué les deux dernières décennies, leur démarrage n'a pas toujours été rapide. Game of Thrones compte 2,2 millions de téléspectateurs pour la diffusion de son premier épisode en prime time. Un résultat satisfaisant, mais pas exceptionnel. Le dernier épisode a réuni 19,3 millions de téléspectateurs. Breaking Bad, considérée comme l'une des meilleures séries de tous les temps, n'a réuni en moyenne qu'un million de téléspectateurs lors de sa première saison en 2008. The Office a failli être annulée à ses débuts. Ces séries sont aujourd'hui des classiques pour plusieurs générations. Il faut parfois laisser du temps au public pour qu'il grandisse. La plateforme mise cependant sur le fait qu'il est plus attrayant de commencer une nouvelle série que de se plonger dans un univers qui compte déjà quatre ou cinq saisons. Les nouvelles séries génèrent donc plus d'abonnements que les séries déjà existantes.
Il est cependant difficile de mesurer le succès d'une émission, compte tenu de la réticence de Netflix à partager ses audiences. Il y a eu quelques progrès à cet égard ces derniers mois, notamment avec le partage de l'audience de Squid Game, qui a été un succès. L'une des raisons pour lesquelles les séries originales sont rapidement annulées est qu'elles doivent compenser leurs coûts de production par un nombre suffisant d'abonnés. De nombreuses séries annulées relèvent de la science-fiction et du fantastique, des genres dont la production est coûteuse. Les séries sont arrêtées avant d'avoir pu trouver leur public. Cela conduit également à des séries qui connaissent un très bon départ, mais qui ont tendance à perdre en qualité au fil des saisons. On continue quand même à les regarder pour connaître la fin (Casa de Papel, Je crie ton nom). Pour mesurer l'audience d'une série, la plateforme comptait jusqu'à présent les visionnages de plus de deux minutes. Un système quelque peu tendancieux : comment garantir que le spectateur a vu l'épisode jusqu'à la fin ? Désormais, c'est le nombre d'heures de visionnage de la série qui sera pris en compte. Y a-t-il un risque que les séries avec de longs épisodes soient favorisées ? La plateforme compare également le taux de personnes qui ne regardent qu'un seul épisode avec le taux de personnes qui terminent la saison. Il convient de noter qu'après deux saisons, Netflix verse un bonus aux producteurs. La série leur coûte donc plus cher. Elle perd donc en rentabilité.
Selon RegeleGorila, un youtubeur passionné de séries, une des stratégies de Netflix est de produire de nombreux types de contenus différents. La plateforme veut des productions qui conviennent à un large public, avec des séries à grand succès comme Stranger Things ou The Witcher. En même temps, elle veut produire des séries de niche qui plairont à un groupe plus restreint de fans. Le résultat est que, contrairement à la plupart de ses concurrents, la plateforme produit un grand nombre de séries de qualité très inégale. HBO Max, par exemple, ne produira que peu de séries, mais misera sur des contenus de grande qualité.
C'est certainement le cœur du problème : Netflix mise sur la quantité plutôt que sur la qualité. Le géant du streaming fait le choix d'investir dans de nombreux programmes. En conséquence, il y a beaucoup d'annulations, car toutes les séries ne peuvent pas être menées à terme. Surtout lorsqu'elles ne trouvent leur public que tardivement. Ou ne sont finalement que moyennes. Si la plateforme américaine ne veut produire que des programmes mainstream, elle risque de se retrouver avec des programmes similaires un peu fades, poussés en avant par l'algorithme. La présence de Disney + et d'Amazon Prime pourrait amener la plateforme à être plus à l'écoute de ses utilisateurs. Comme nous le rappelle RegeleGorila, nous sommes au début des plateformes de streaming. Notre façon de consommer les séries va évoluer au fil du temps. Mais la marque au "toudoum" a une avance suffisamment confortable sur ses concurrents pour ne pas être vraiment inquiétée dans les années à venir.