Christiane Taubira, connue pour son sens de la répartie, n'a pas mâché ses mots à l'égard d'Emmanuel Macron. Auprès de FranceInfo, le 10 mai, elle s'est indignée de l'absence de discours du président à l'occasion de la journée de l'abolition de l'esclavage, alors qu'il avait célébré cinq jours plus tôt le bicentenaire de la mort de l'empereur qui avait rétabli l'esclavage.
Un "silence édifiant" sur l'esclavage
Interrogée par la chaîne, celle qui avait été à l'origine, vingt ans plus tôt, de la loi du 21 mai 2001 reconnaissant la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité, s'est dite choquée par le silence d'Emmanuel Macron lors de la commémoration de l'abolition de l'esclavage.
"Un silence peut-être solennel, mais c'est quand même édifiant que le président de la République n'ait rien à dire sur 200 siècles d'histoire de France, alors qu'il y a quinze jours, il se gargarisait de Napoléon Bonaparte", s'est-elle indignée sur la chaîne.
"Face à l'empereur Bonaparte, je vote et je préfère le général Toussaint Louverture, la capitaine Sanite Belair, le colonel Louis Delgrès, Solitude, Marthe-Rose Toto, les chefs Pompe, Boni, parce qu'ils ont lutté contre le rétablissement de l'esclavage". blockquote>Bonapartevs.
Louverture : à chacun ses héros
Au discours de 18 minutes prononcé par Emmanuel Macron le 5 mai dernier à l'occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, elle a réagi par un tacle sans détour : "On peut avoir les fascinations que l'on veut, mais même si on vénère les héros, c'est une époque qui ne manque pas de figures héroïques", dit-elle.Dans cette époque même de l'empereur Bonaparte, je choisis et je préfère le général Toussaint Louverture, la capitaine Sanite Belair, le colonel Louis Delgrès, Solitude, Marthe-Rose Toto, les chefs Pompe, Boni, parce qu'ils ont lutté contre le rétablissement de l'esclavage (ndlr : par Napoléon justement) et qu'ils y ont perdu la vie.
🗣️ "C'est édifiant qu'il n'ait rien trouvé à dire sur plus de 200 ans d'histoire de France, alors qu'il y a cinq jours, il faisait des gammes sur Napoléon"
plus (@franceinfoplus) May 10, 2021Les noirs abolitionnistes
Christiane Taubira interpelle le silence d'Emmanuel Macron lors de la commémoration de l'esclavage.
📺 #franceinfo canal 27 pic.twitter. com/2QZTeO5s63-franceinfo, grands oubliés de l'histoireIl est vrai
queles Africains réduits en esclavage par l'Empire français, les marrons insurgés et les noirs abolitionnistes qui ont donné leur vie pour faire tomber le système esclavagiste sont encore tristement les grands absents des commémorations de l'abolition de l'esclavage en 2021. Parmi eux, le général Toussaint Louverture, la capitaine Sanite Belair, le colonel Louis Delgrès, Solitude, Marthe-Rose Toto, les chefs Pompe et Boni, cités par Christiane Taubira.
Un déni qui semble se perpétuer de génération en génération, malgré les présidents. On leur préfère volontiers la figure de Victor Schoelcher, que l'on présente d'ailleurs comme "l'homme qui a aboli l'esclavage en France", niant ainsi les 200 ans de luttes et de résistances noires à l'abomination de l'esclavage.
Plus savoureux encore, elle a ajouté : "Car cette histoire n'est pas une histoire de poésie à 4 sous avec des rimes sur "l'empire et le pire" ou "l'empereur et le meilleur", c'est une histoire de vie et de mort, une histoire de saints et de canons, une histoire de plantations, de fortunes, de commerce, de châteaux, une histoire d'humanité, et effectivement, on peut ne rien avoir à dire sur cette histoire", a-t-elle conclu, l'air grave, avant de lâcher subitement le micro. Christiane Taubira, visiblement émue, n'a même pas attendu les remerciements de la journaliste pour se retirer.
Une réponse au tacle de Christiane Taubira ?
Il est possible que le président ait entendu ce tacle et qu'il ait posté quelques heures plus tard un tweet pour le 20e anniversaire de la loi de 2001, initiée par Christiane Taubira lorsqu'elle était ministre de la Justice sous François Hollande. Plutôt maladroitement d'ailleurs.
"Il y a 20 ans, la République française, fidèle à sa devise, devenait le premier État à reconnaître la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité. Bien avant, Toussaint Louverture puis Victor Schœlcher avaient montré la voie. Nous ne les oublierons pas", avait-il tweeté.
Il y a 20 ans, la République française, fidèle à sa devise, devenait le premier Etat à reconnaître la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité. Bien avant, Toussaint Louverture puis Victor Schœlcher avaient montré la voie.
Nous ne les oublierons pas. pic.twitter.com/hRcJieZlnX-Emmanuel
Macron (@EmmanuelMacron) May 10, 2021