Comment fonctionne la Primaire Populaire qui a lieu cette semaine ?

Comment fonctionne la Primaire Populaire qui a lieu cette semaine ?

La Primaire populaire est une consultation citoyenne qui se déroule du 27 au 30 janvier. Cette initiative réunit près de 500.000 électeurs et présente 7 candidats de gauche, qu'ils le veuillent ou non... Explications.

A trois mois de l'élection présidentielle, les voix des électeurs de gauche se répartissent entre de nombreux candidats : de Philippe Poutou à Anne Hidalgo, en passant par Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel ou Nathalie Arthaud... Le 15 janvier, l'ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira a officialisé sa candidature, ajoutant à la confusion à gauche.

se lance dans la course à l'ÉlyséeLaPrimaire

populaire a été lancée dans l'idée de dépasser les nombreuses divisions à gauche. Il s'agit d'une initiative du collectif Rencontre des Justices, créé en octobre 2020 par des entrepreneurs sociaux et des militants écologistes, féministes et antiracistes. Son objectif est de présenter un candidat commun de gauche à l'élection présidentielle. Ainsi, 467.000 électeurs se sont inscrits pour choisir entre 7 candidats, sélectionnés avec ou sans leur volonté. Ils pourront voter sur Internet du 27 au 30 janvier, en un seul tour et selon le principe du jugement majoritaire. Comment cela fonctionne-t-il ?

Comment la Primaire populaire a-t-elle été créée ?

La Primaire populaire est officiellement lancée en février 2021 par la structure 2022 ou jamais, créée pour l'occasion et composée notamment de Mathilde Imer et Samuel Grzybowski, fondateur de l'association de dialogue Coexister, maître de conférences à Science Po Paris et actuel porte-parole de la Primaire populaire.

Tous deux ont créé la Primaire populaire selon le principe suivant : Sept candidatures de gauche sont présentées aux électeurs inscrits et un seul candidat sort vainqueur du processus. On attend de lui qu'il soit "capable de rassembler pour faire gagner l'écologie, la démocratie et la justice sociale".

La Primaire populaire repose sur un socle commun de dix propositions politiques orientées à gauche, "des mesures de bascule pour changer concrètement nos vies", comme l'indique le site internet du mouvement. Concrètement, on retrouve dans ces mesures "l'augmentation du SMIC", "un revenu de solidarité active dès 18 ans" ou encore "un big bang pour une fiscalité plus juste et plus écologique".

Comment les candidats ont-ils été sélectionnés ?

La méthode est controversée au sein de la gauche. Les organisateurs ont dévoilé début janvier les noms des sept candidats qu'ils ont retenus et qui seront présentés aux militants et sympathisants de gauche : Jean-Luc Mélenchon (LFI), Yannick Jadot (EELV), Anne Hidalgo (PS), Christiane Taubira (ex-PS), Pierre Larrouturou (député européen et fondateur de La Nouvelle Donne) et les militantes Anna Agueb-Porterie et Charlotte Marchandise.

Problème : aucun des grands candidats retenus n'accepte le principe de cette primaire et on ne les a pas consultés avant de les inscrire. Anne Hidalgo refuse de reconnaître le résultat de cette élection si Yannick Jadot n'y participe pas.

Jadot

, qui avait déjà qualifié la Primaire populaire de "machine à perdre" à l'automne, a réitéré sa position mercredi sur France Info : "

Cela fait un an que nous débattons, un an que nous préparons un projet
.
Qu'on nous laisse parler de nos propositions et qu'on arrête de nous harceler, qu'on nous laisse gagner. Que la Primaire populaire arrête de tuer la gauche et l'écologie. Qu'on nous laisse gagner cette élection présidentielle.
-Yannick
JadotJean-LucMélenchon

a également répété à plusieurs reprises son refus catégorique de participer à cette consultation. La France insoumise a demandé que le nom de son candidat soit retiré du processus de vote.

de participer à la Primaire populaireMalgré les oppositions

de Yannick Jadot, Mélenchon et Anne Hidalgo, leurs candidatures seront bien soumises au vote des électeurs inscrits à la Primaire populaire du 27 au 30 janvier. "Je trouve cela choquant. Même pour une jeune génération où la question du consentement est au cœur de l'autonomie", a déploré Yannick Jadot dimanche sur France Inter.

Qui participe à la Primaire Populaire ?

Les 467 000 électeurs avaient jusqu'au 23 janvier à minuit pour s'inscrire au processus de vote, en se munissant de leur carte bancaire pour confirmer leur identité. L'inscription était ouverte à tous les citoyens de nationalité française, âgés d'au moins 16 ans et ayant accepté "l'esprit du socle commun de la Primaire populaire".

Le jour du scrutin, tous les participants au vote recevront un e-mail contenant un lien leur permettant de désigner le candidat ou la candidate qui, selon eux, incarne le mieux les "valeurs de la gauche" et a le plus de chances de remporter l'élection présidentielle d'avril prochain.

L'organisation du scrutin a été confiée à Neovote, une société spécialisée dans le vote électronique qui a notamment travaillé pour les primaires LR et EELV. Outre l'utilisation du numérique, la grande nouveauté de la Primaire populaire est l'abandon du scrutin uninominal à deux tours utilisé lors des élections présidentielles. A la place, le vote se fera au scrutin majoritaire à un seul tour, ce qui est une nouveauté pour une élection de cette ampleur.

Comment fonctionne le scrutin majoritaire ?

Le principe du vote majoritaire est censé être plus démocratique que le scrutin uninominal à deux tours. Quelles sont les raisons de ce choix ?

🗣️C'mode de scrutin Primaire PopulaireLorsque vous votez à l'élection présidentielle

, vous choisissez au premier tour le candidat ou la candidate qui vous représente le mieux. Les deux candidats arrivés en tête s'affrontent ensuite dans un duel. Celui ou celle qui remporte le second tour est élu(e). Dans ce mode de scrutin, auquel nous sommes largement habitués, un candidat peut tout à fait être élu contre la volonté d'une majorité d'électeurs qui ont voté contre lui au premier tour.

Par exemple, trois candidats A, B et C se présentent aux élections. Au 1er tour, les candidats A et C obtiennent tous deux 35 % des voix, le candidat B n'obtient que 30 % et est éliminé. Au second tour, le candidat A est élu avec 55 % des voix. Cependant, à l'origine, seuls 35 % des électeurs souhaitaient qu'il soit élu, tandis que 65 % votaient pour un autre candidat. Le candidat est donc élu à la majorité des électeurs qui étaient contre lui au premier tour et qui ont été contraints d'éliminer au second tour le candidat qu'ils considéraient comme le plus mauvais.

Le mode de scrutin majoritaire choisi pour la Primaire Populaire a été inventé par les mathématiciens français Michel Balinski et Rida Laraki. Dans ce mode de scrutin, les électeurs ne se contentent pas de choisir un nom, mais évaluent chaque candidat et lui attribuent une note de leur choix. Dans le cas de la Primaire Populaire, les électeurs sont invités à évaluer chaque candidat en lui attribuant une note allant de "très bon" à "insuffisant".

A l'issue du vote, le candidat qui obtient la meilleure médiane, c'est-à-dire le plus grand nombre de mentions très bien et bien, est sélectionné. Les autres candidats sont éliminés. Mais comme peu de candidats enregistrés s'attendent à reconnaître l'issue du scrutin, cette consultation risque surtout d'aboutir à une candidature supplémentaire à gauche.

La Primaire populaire sous le feu des critiquesMardi dernier,

La France insoumise a diffusé un communiqué de presse demandant explicitement de "ne pas participer à la soi-disant Primaire populaire". Cette déclaration fait suite à la publication par Le Canard enchaîné de plusieurs révélations inquiétantes sur la Primaire populaire, dont une vidéo accusant l'organisateur Samuel Grzybowski de méthodes déloyales.

Dans cette vidéo datant de fin novembre et issue d'un zoom entre militants de la Primaire Populaire, on entend Samuel Grzybowski dire que son objectif est d'empêcher les candidats éliminés de se présenter à l'élection présidentielle. Peu importe qu'ils ne soient pas d'accord pour y participer, qu'ils n'aient pas fait campagne et débattu ou qu'ils n'aient pas mobilisé leur électorat pour cette consultation...

pour la Primaire Populairepour y parvenir

, il entend utiliser tous les moyens à sa disposition et notamment "les empêcher d'obtenir leurs parrainages", mais aussi "leur financement", et faire baisser leur cote de popularité en les attaquant dans les médias et sur Internet pour nuire à leur cote de popularité. Ces méthodes sont antidémocratiques et font l'objet de vives critiques.

La "Primaire populaire" - et après ?

En raison de son mode de scrutin, des candidats sélectionnés et de ses liens avec les organisateurs de l'élection, la Primaire est soupçonnée par de nombreux observateurs d'être avant tout un tremplin pour la candidature de Christiane Taubira. L'ancienne ministre de la Justice sous François Hollande avait eu à plusieurs reprises en décembre des entretiens privés avec les organisateurs de la primaire populaire, avant d'annoncer qu'elle accepterait le résultat.

Selon les sondages, Christiane Taubira est l'une des personnalités les mieux placées pour représenter les électeurs de gauche. Elle part naturellement du principe qu'elle sortira victorieuse d'une élection qui semble taillée sur mesure pour elle. Interrogée par Léa Salamé sur France Inter, elle a pourtant refusé de dire qu'elle retirerait sa candidature en cas d'échec. Peut-on vraiment affirmer qu'elle respecte les règles des primaires ? C'est à vous d'en juger.

Une consultation citoyenne privée, un nouveau mode de scrutin, des candidats choisis de gré ou de force qui ont annoncé qu'ils ne reconnaîtraient pas le résultat du vote... Il est difficile de prédire ce qui sortira de la Primaire populaire ou quelle trace elle pourrait laisser lors des élections présidentielles. S'agira-t-il d'un grand flop ou d'une véritable dynamique pour le ou la gagnante ?

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