"J'arrive à l'hôpital en urgence et les gars me disent : 'Non, on ne va pas l'opérer, c'est bien trop grave ce qu'il a, ça ne sert à rien'. Pour eux, c'était 'ciao'. C'est ainsi que l'on peut le mieux résumer la minuscule frontière qui sépare aujourd'hui Hubert de l'au-delà. À l'âge de 30 ans, ce spécialiste de la communication numérique a été victime d'une attaque cérébrale. Le début d'un long combat pour lui et sa famille.
Pour comprendre l'histoire d'Hubert, il faut faire un pas en arrière. Un matin, en sortant de la douche, il ne se sent pas bien. Il est pris de vertiges et de maux de tête et s'inquiète pour sa compagne, qui est encore chez eux. "J'ai la chance de vivre avec quelqu'un qui s'y connaît très bien en médecine et en sciences et qui a eu les bons réflexes au bon moment", raconte-t-il.
"oui, j'ai appuyé sur ctrl + art + supp, tout va bien".
"Pendant un moment, je lui ai dit : "Oui, oui, j'ai appuyé sur ctrl + art + suppr, tout va bien". Elle a continué à me parler et a vu que je répondais complètement à côté de la plaque". Hubert s'effondre. Les ambulanciers arrivent dans les 15 minutes, le plongent dans le coma et l'emmènent à l'hôpital. À ce moment-là, le temps joue contre lui.
Lorsqu'il arrive à l'hôpital, l'équipe médicale en est certaine : trop de temps s'est écoulé. Hubert est condamné à mort. "Pour eux, c'était "ciao"", rembobine-t-il. Hubert ne doit son salut qu'à une assistante sociale qui pousse le corps médical à se surpasser : "'Vous l'opérez, j'en ai rien à foutre', se souvient-il, avant d'ajouter calmement : 'Et voilà... merci', avec un sourire où se mêlent malice et gratitude. S'ensuit un long coma de quatre mois.
"Dans mon coma, je battais le rythme de la musique de Michael Jackson".
Pendant son sommeil forcé, quelques bribes de vie et d'activité se dessinent. "Dans mon coma, je battais le rythme de la musique de Michael Jackson", rapporte-t-il. Beat it, tout comme son cœur. Hubert se réveille quatre mois plus tard, "sans pouvoir marcher, sans pouvoir (se) déplacer". "Quand je me suis réveillé, je me souviens avoir crié. Une vraie douleur intense en moi, que je devais laisser sortir. C'était comme si je renaissais après l'accident".
Le combat s'est ensuite poursuivi dans un centre de rééducation. "J'ai tout réappris. J'ai réappris à marcher, à courir, à nager, à me brosser les dents, à m'habiller ... à me laver. J'ai réappris à être un être humain". Pendant cette période, il a laissé derrière lui une petite fille de trois mois qui venait de naître et qu'il a à peine vu grandir pendant un an.
150 000 AVC par an en France
L'accident vasculaire cérébral est grave et n'est pas rare. Il se traduit par une interruption de la circulation sanguine dans le cerveau. Chaque année, on dénombre 150 000 AVC en France, dont 30 000 sont mortels. Et les séquelles peuvent être très graves. Selon Santé Publique France, 70 % des victimes d'AVC vivent avec des séquelles. "J'ai quelques séquelles, mais elles ne sont pas visibles", précise-t-il. Hubert fait partie de ces personnes dont le handicap est dit invisible.
"Est-ce que je suis revenu à 100 % ? Oui, à certains égards", tempère-t-il. Mais il avoue, et ses amis aussi, pas complètement. "L'une des grandes conséquences d'un AVC est l'impact psychologique qu'il a sur la personne qui le subit, mais aussi sur ses proches".
"L'AVC, c'est comme une deuxième naissance".
Hubert n'est plus le même qu'avant. Une différence qui est devenue une force. "Cet accident vasculaire cérébral est comme une deuxième naissance. J'ai dû réapprendre à m'aimer et à être qui je suis avec les bribes de souvenirs que j'avais de mon ancien moi. Ma compagne a également dû s'adapter à cette nouvelle personne qui vivait avec elle, qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à la personne qu'elle fréquentait auparavant, mais qui n'était plus la même psychologiquement et mentalement".
Il est difficile de mettre fin à une conversation aussi intense, et pourtant une question me brûle les lèvres. C'était mieux avant ? "Si tu m'avais posé cette question il y a quelques mois, je t'aurais dit que j'aurais préféré Hubert avant l'attaque. Aujourd'hui, je me dis que j'ai d'autres qualités, que j'ai d'autres choses à apporter. Je suis content d'avoir survécu. Un coup de poing dans la figure et une leçon de vie