Face aux sanctions imposées par l'Occident à la Russie dans le cadre de l'invasion de l'Ukraine, le Kremlin pourrait-il être tenté de lancer une contre-attaque pour déstabiliser ses voisins européens en leur coupant tout simplement l'accès à Internet ?
Un nouveau sondage publié par Paris Match le samedi 2 avril montre pourtant que ce risque est à prendre très au sérieux, d'autant plus que les conséquences d'une telle riposte seraient extrêmement graves pour l'économie mondiale.
Comment avons-nous accès à Internet en Europe ?
Si nous pouvons accéder quotidiennement à Internet avec nos différents appareils - des téléphones portables et des ordinateurs aux tablettes et aux montres connectées -, c'est principalement grâce à un immense réseau de câbles sous-marins qui assure 99 % de l'Internet mondial. La plupart des grandes entreprises privées (notamment les Gafam) ont commencé à poser et à installer leurs propres câbles afin de maintenir leur activité sans dépendre d'acteurs extérieurs.
Ces câbles, qui se comptent par centaines dans nos océans, ne disposent d'aucune mesure de sécurité particulière : Ils sont simplement posés sur le fond marin par des navires spécialisés, appelés poseurs de câbles. Et il peut arriver que ces installations sous-marines soient endommagées par des phénomènes naturels (tsunamis) ou des activités humaines (forages). Les travaux de réparation, souvent complexes et longs, sont alors effectués par des "usines flottantes" spécialisées.
Comment la Russie pourrait-elle s'attaquer à ces infrastructures ?
Mais face à une éventuelle attaque coordonnée sous l'égide de Vladimir Poutine, les capacités de réparation de ces câbles dans un délai acceptable seraient fortement mises sous pression. Et l'infrastructure militaire russe permettrait selon toute vraisemblance une telle manœuvre, notamment grâce à ses navires "océanographiques" capables de déployer un mini-sous-marin jusqu'à une profondeur de 6000 mètres, là où se trouvent ces câbles.
"Est-il possible de couper des câbles qui se trouvent à 6000 mètres sous l'Atlantique ? La réponse est oui. Est-il possible de l'empêcher ? La réponse est probablement non", affirme sans détour un haut fonctionnaire français en charge des questions de défense interrogé par le magazine.
D'ailleurs, à l'été 2021, un navire russe, le "Yantar", a été repéré lors d'une étrange mission de reconnaissance en mer d'Irlande, au cours de laquelle le navire océanographique semblait s'intéresser aux câbles sous-marins. Des sources militaires britanniques rapportent que le Yantar s'est comporté de manière "hautement suspecte" durant l'expédition. Cela justifie une surveillance accrue de ce type de navire par les services de renseignement occidentaux depuis le début du conflit en Ukraine.
Conséquences possibles pour l'économie mondiale
Les experts militaires n'excluent actuellement ni la possibilité d'attaques isolées et ciblées, ni celle d'une offensive de plus grande envergure. Si la Russie décidait de lancer une attaque massive contre les câbles sous-marins, cela aurait de graves conséquences pour l'économie mondiale : la plupart des transactions sur les bourses dépendent de ces transferts de données. Les entreprises qui utilisent des centres de données américains seraient également fortement touchées.
L'accès aux réseaux sociaux serait également fortement perturbé et l'économie serait affaiblie, étant donné qu'Internet représente 3,4 % du PIB des économies des pays industrialisés. Pour éviter qu'une telle situation ne devienne réalité, Paris Match évoque la possibilité pour les opérateurs de détourner les connexions Internet vers l'Afrique pour les ramener ensuite en Europe. Les satellites, en revanche, ne pourraient pas jouer ce rôle, car leurs capacités sont trop faibles, selon les experts.