Partant du constat que les études sur la pornographie en termes de violence sexuelle se concentrent presque exclusivement sur le comportement des utilisateurs, des chercheuses de l'Université d'Oxford ont abordé le sujet à l'envers. Elles ont décidé de se concentrer non pas sur les consommateurs, mais sur la production en elle-même, en analysant le contenu pornographique des vidéos et la manière dont il véhicule la violence sexuelle. Les âmes sensibles devraient s'abstenir, car leurs conclusions sont effrayantes.
Violence sexuelle des hommes envers les femmes
Pour leur étude, les chercheuses ont analysé les pages d'accueil des trois sites les plus visités en Grande-Bretagne : Pornhub, Xhamster et Xvideos. Pour être représentatives, elles se sont concentrées uniquement sur les vidéos mises en avant sur la page d'accueil (en excluant la catégorie BDSM pour éviter les biais) et ont décortiqué les titres, les descriptions et les mots clés associés. Au total, 132.000 vidéos ont été examinées à la loupe.
Premier constat : la violence est presque toujours perpétrée par des hommes contre des femmes. Ce fait reflète tristement la réalité de la violence sexuelle dans la société. Selon l'étude de l'Ined publiée en 2016, 96 % des victimes de viols et d'agressions sexuelles sont des femmes, mais 97 % des auteurs sont des hommes.
Une vidéo sur huit est intitulée "violence sexuelle".
Ensuite, les comportements violents tels que l'étouffement, le bâillonnement, la gifle et la fessée sont les principaux éléments de la pornographie dite "gonzo", c'est-à-dire la pornographie "classique" que l'on trouve sur les sites pornographiques grand public.
Enfin, le contenu représente presque exclusivement les désirs sexuels d'hommes et non de femmes. Dernier point, mais non des moindres : sur les centaines de milliers de vidéos analysées, 12% montrent des violences sexuelles. En d'autres termes, une vidéo sur huit est intitulée "violence sexuelle".
"Teen" : le mot le plus souvent associé aux vidéos violentes.
Mais l'horreur ne s'arrête pas là, et c'est un autre point qui a particulièrement attiré notre attention. Les chercheuses affirment que sur les trois sites réunis, le mot "teen" (adolescent) est le mot le plus souvent utilisé dans les titres des vidéos illustrant la violence sexuelle. Elles expliquent : ""teen" représente 8,5% des vidéos pornographiques faisant référence à la violence sexuelle". Les mots "schoolgirl" (écolière) et "girl" (fille) font également partie des termes les plus utilisés.
Et comme nous ne sommes plus à une révélation choquante près, la forme de violence sexuelle la plus courante est "celle liée aux activités sexuelles entre membres d'une même famille". L'inceste, donc. Alors qu'en France, on refuse souvent de croire (et de produire des données) que des membres d'une même famille puissent violer ou agresser sexuellement un enfant de la même famille, une étude du Parlement européen publiée en 2016 révèle qu'un enfant sur cinq serait menacé d'actes pédocriminels dans son environnement familial direct ou dans le cadre scolaire ou associatif.
Un enfant sur cinq. Pour se faire une idée concrète, les associations qui luttent contre ces crimes rappellent que dans chaque école, cela représente deux à trois enfants par classe.
"Embrassé par surprise" plutôt que "violé".
L'étude met donc en garde contre l'abondance de ces contenus violents et leur facilité d'accès pour tout internaute. Elle met en garde contre le langage édulcoré, voire mensonger, de ces plateformes qui, si elles ont banni le mot "viol", utilisent des formules plus insidieuses comme "baisé par surprise" ou "ce n'était pas un accident". On peut donc voir des femmes ou de jeunes adolescentes dans des vidéos qui simulent (ou non) un viol.
Après avoir été clouée au pilori par une enquête du New York Times pour avoir diffusé des contenus pédopornographiques, la plateforme Pornhub avait modifié sa politique d'utilisation. Le site avait alors supprimé 60 % de son contenu, soit plusieurs millions de vidéos. Cela donne une idée de la quantité de ces contenus qui mettent en scène des enfants ou de jeunes adolescents.
Le porno, un instrument de banalisation des normes sexuelles ?
Pour les chercheuses, qui se sont appuyées sur des travaux de criminologie critique et de théorie féministe, il est nécessaire de réorienter la recherche sur ces sujets afin de mieux comprendre la fonction sociale de la pornographie. Car à travers ces représentations, la pornographie banalise et légitime la violence sexuelle.
Ils concluent : "Le préjudice causé lorsque la violence sexuelle est représentée comme un scénario sexuel normatif ne réside pas seulement dans le fait que cela peut ou non influencer directement les pratiques ou les comportements sexuels individuels. Si la pornographie est comprise comme une institution sociale clé légitimant les normes sexuelles, alors cette distorsion entre ce qui est considéré comme criminel, ce qui compte comme nuisible et ce qui compte comme sexuel constitue en soi une forme de "dommage culturel ''.
Traduction : il n'y a plus de frontière entre ce qui est en soi une violence et un acte sexuel. Et c'est dangereux.